L'encadrement des loyers, un dispositif expérimental qui arrive à maturité
L’encadrement des loyers est un mécanisme introduit par la loi ELAN de 2018, actuellement en phase expérimentale jusqu’en novembre 2026. Il concerne principalement les communes situées en zone tendue, c’est-à-dire où la demande de logements excède largement l’offre (Paris, Lille, Lyon, Bordeaux, Montpellier, Outre-Mer etc.).
Concrètement, il impose qu’un loyer, lors d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail, ne puisse pas dépasser un certain plafond calculé à partir d’un loyer de référence, auquel peuvent s’ajouter des marges (loyer de référence majoré +20 % maximum) ou des abattements (-30 %). L’objectif affiché n’est pas de faire baisser artificiellement les loyers, mais de limiter les excès et d’accompagner la hausse de manière plus soutenable pour les ménages.
En 2025, ce dispositif concerne déjà 72 collectivités, et plusieurs députés souhaitent désormais le rendre permanent et l’étendre à de nouvelles communes.
Un rapport parlementaire qui relance le débat
Le 24 septembre 2025, les députés Annaïg Le Meur (EPR) et Iñaki Echaniz (PS) ont remis un rapport à l’Assemblée nationale. Leur constat est clair :
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Les communes ayant appliqué le dispositif se disent globalement satisfaites.
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À Paris, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) estime que les loyers observés entre 2019 et 2024 auraient été supérieurs de 8,2 % sans encadrement. Cela représente une économie de près de 950 € par an pour un ménage locataire.
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Les abus liés aux compléments de loyers ou aux contournements (coliving, baux civils, etc.) justifient un renforcement des règles et des contrôles.
Le rapport propose une vingtaine de mesures pour améliorer l’efficacité du dispositif :
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Simplifier la mise en œuvre : aujourd’hui, certaines communes attendent jusqu’à 3 ans avant de pouvoir appliquer l’encadrement. Les députés veulent accélérer la procédure et permettre aux communes voisines en zones tendues d’y avoir accès.
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Améliorer le calcul du loyer de référence : fiabiliser la base statistique, supprimer des critères jugés peu pertinents (année de construction), et intégrer davantage les surfaces annexes (terrasses, mezzanines, caves, jardins).
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Encadrer les compléments de loyers : des barèmes plus précis sur les surfaces annexes et une transparence accrue, pour éviter tout litige
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Renforcer les sanctions : jusqu’à 10 000 € d’amende pour un particulier et 30 000 € pour une personne morale en cas de dépassement illégal.
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Faciliter les recours des locataires : allongement des délais pour contester un loyer, plus de clarté sur les procédures.
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Redonner un rôle central aux communes : une partie des amendes pourrait leur être reversée pour financer les contrôles.
Les arguments favorables : protéger les locataires et réguler le marché
Pour les rapporteurs et plusieurs associations de défense du logement, l’encadrement des loyers a démontré son utilité.
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Il protège les locataires des hausses excessives, particulièrement dans les métropoles où les loyers explosent depuis 15 ans.
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Il contribue à stabiliser le marché, en évitant que certains bailleurs n’exploitent des situations locales de rareté.
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Il permet de mieux refléter la réalité des prix et d’améliorer la transparence.
Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, y voit même une « victoire pour les locataires confrontés à des loyers indécents ».
Les critiques de certains professionnels de l'immobilier sur l'encadrement des loyers
Du côté de certains professionnels de l’immobilier (FNAIM, UNIS, etc.), la mesure est jugée inefficace et punitive
Leur principal reproche : l’encadrement des loyers serait un faux remède à une vraie crise, dont la cause profonde est le manque de logements. Selon eux :
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L’offre locative baisse également dans les villes sans encadrement, preuve que le dispositif n’est pas la cause unique des tensions.
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Les loyers évoluent de manière comparable dans les communes avec ou sans dispositif.
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La complexité des règles (loyers de référence, compléments, contentieux) crée de la défiance et risque de décourager les investisseurs privés.
Pour Loïc Cantin, président de la FNAIM, il s’agit d’une mesure « inefficace et punitive » qui fait peser sur les bailleurs privés la responsabilité d’une crise liée avant tout à l’insuffisance de construction neuve.
Impact sur l’investissement locatif : menace ou opportunité ?
La grande question reste : l’encadrement des loyers décourage-t-il vraiment l’investissement locatif ?
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Dans certaines villes, les investisseurs peuvent craindre une rentabilité plus faible si le loyer est plafonné.
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Cependant, en zones tendues, la demande locative reste très forte, ce qui limite le risque de vacance et garantit une valorisation patrimoniale.
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L’encadrement n’empêche pas la revalorisation annuelle via l’IRL (Indice de référence des loyers), ni l’ajout de compléments justifiés et encadrés.
Autrement dit, un investissement en zone encadrée peut rester rentable, à condition de bien calculer son projet, d’optimiser la fiscalité (Loc’Avantages, LMNP, etc.) et de raisonner à moyen ou long terme.
Ce qui pourrait changer d’ici 2026 sur l'encadrement des loyers
La proposition des députés Le Meur et Echaniz vise à déposer rapidement une proposition de loi, avant même la fin de l’expérimentation. Les grandes lignes attendues :
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Pérenniser l’encadrement des loyers au-delà de 2026.
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Étendre le dispositif à de nouvelles communes volontaires en zones tendues et limitrophes.
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Améliorer la transparence et la fiabilité des données.
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Équilibrer davantage les droits des locataires et des bailleurs.
Il est donc probable que l’encadrement devienne un pilier durable de la régulation locative en France.
Position de GESTIA Solidaire : un équilibre à trouver
Chez GESTIA Solidaire, nous accompagnons au quotidien des propriétaires bailleurs et des locataires. Notre analyse est claire :
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L’encadrement des loyers est un dispositif utile pour protéger les locataires contre des hausses excessives, en particulier dans les zones tendues.
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Il ne doit pas pour autant devenir un frein à l’investissement locatif, indispensable pour maintenir une offre suffisante. Des ajustements sont notamment à faire sur les petites surfaces ou selon les zones pour coller à la réalité locale.
- Pour avoir une offre suffisante, il faut aussi de nouveaux logements, en incitant les propriétaires de logements vacants de les relouer, en réalignant les intérêts pour les propriétaires de la location longue durée par rapport au meublé touristique, ou encore en mettant en reboostant l'investissement locatif dans le neuf.
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Investir dans une zone encadrée reste pertinent et rentable, car ces territoires sont dynamiques, attractifs et garantissent une valorisation patrimoniale à long terme.
Conclusion
À l’approche de la fin de l’expérimentation en 2026, l’avenir de l’encadrement des loyers semble déjà tracé : il sera probablement pérennisé et élargi.
Ce débat illustre la difficulté de trouver un équilibre entre protection des locataires et attractivité pour les investisseurs. L’encadrement n’est pas une solution miracle, mais il constitue un levier complémentaire dans un contexte de tension immobilière.
Pour les propriétaires et investisseurs, il s’agit moins d’un obstacle que d’un paramètre supplémentaire à intégrer dans leur stratégie. Avec une gestion rigoureuse et une vision de long terme, l’investissement en zones encadrées reste porteur, à la fois sur le plan économique et patrimonial.
FAQ sur l’encadrement des loyers
1. Qu’est-ce que l’encadrement des loyers ?
L’encadrement des loyers est un dispositif réglementaire qui fixe une limite aux loyers pratiqués dans certaines villes où la tension locative est forte. Concrètement, le propriétaire doit respecter un loyer de référence (fixé par arrêté préfectoral), auquel peut s’ajouter un complément de loyer sous certaines conditions.
2. Quelles villes sont concernées par l’encadrement des loyers ?
Aujourd’hui, plusieurs grandes villes et agglomérations sont soumises à l’encadrement des loyers, notamment : Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier, Bordeaux, et certaines communes de Seine-Saint-Denis et de la Métropole du Grand Paris. De nouvelles villes peuvent être ajoutées au dispositif par arrêté.
3. Comment calculer son loyer encadré ?
Le calcul repose sur trois éléments :
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Le loyer de référence : défini en €/m² par type de logement (année de construction, nombre de pièces, secteur géographique).
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Le loyer de référence majoré : plafond à ne pas dépasser, sauf complément de loyer justifié.
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Le loyer de référence minoré : utilisé dans le cadre d’une révision ou d’une action du locataire.
👉 Le propriétaire doit donc multiplier la surface habitable par le loyer de référence applicable pour connaître le montant maximum autorisé.
4. Quelles sanctions en cas de non-respect de l’encadrement des loyers ?
Un bail conclu avec un loyer supérieur au plafond peut être contesté par le locataire dans les 3 ans. Le propriétaire peut être contraint de baisser le loyer, voire de rembourser le trop-perçu. Des amendes administratives peuvent aussi être appliquées. Jusqu’à 5 000 € pour un bailleur personne physique, 15 000 € pour une personne morale.
5. Peut-on appliquer un complément de loyer ?
Oui, mais uniquement si le logement présente des caractéristiques exceptionnelles non prises en compte par le loyer de référence. Exemple : vue exceptionnelle, terrasse de grande taille, prestations rares. Le complément doit être justifié dans le bail et peut être contesté par le locataire.
6. Comment savoir si mon logement est soumis à l’encadrement des loyers ?
Il suffit de vérifier si la commune est dans la liste des villes concernées. Ensuite, les arrêtés préfectoraux précisent les loyers de référence applicables par zone et par typologie de logement.
7. Quels conseils pour les propriétaires bailleurs ?
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Vérifier chaque année les nouveaux arrêtés préfectoraux, car les loyers de référence évoluent.
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Préparer le bail en intégrant clairement le calcul du loyer.
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Anticiper une éventuelle contestation en documentant toute demande de complément de loyer.
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Se faire accompagner par un professionnel de la gestion locative (comme GESTIA Solidaire). Cela permet de sécuriser la rédaction du bail et la fixation du loyer.